Les “villes circulaires” : le futur de l’élimination des déchets

Les villes consomment 75% des ressources naturelles du monde et produisent 50% de ses déchets selon la fondation Ellen MacArthur, une organisation à but non lucratif basée au Royaume-Uni qui promeut la réduction, la réutilisation et le recyclage. Alors que les populations urbaines croissent et que les défis de l’approvisionnement et de l’élimination des déchets grandissent, les législateurs, les éducateurs et les entreprises travaillent à l’émergence d’une “économie circulaire” pour limiter la consommation et encourager la réutilisation des produits, composants et matériaux. Focus sur le concept de “villes circulaires”.

Les résidents de Londres n’ont pas besoin d’acheter d’accessoires électriques, d’outils de jardinage ou d’équipements de camping. Ils peuvent les emprunter, comme bien d’autres objets, à la Library of Things en échange d’une modeste participation. Cette bibliothèque est juste un exemple de la manière vers laquelle la ville évolue vers l’économie circulaire. Cet engagement de Londres à réduire sa consommation et ses déchets permet également de créer des emplois dans les secteurs du recyclage, de la réparation, de la refabrication et de l’innovation matérielle.

“City Hall et le London Waste and Recycling Board collaborent à différentes initiatives dans ce domaine”, déclare Shirley Rodrigues, adjointe à l’environnement et à l’Énergie à la mairie de Londres. “Parmi celles-ci, citons par exemple la mise au point d’une feuille de route pour la transition vers l’économie circulaire et un programme d’investissement pour soutenir les petites et moyennes entreprises du secteur en incorporant les principes de l’économie circulaire en matière d’approvisionnement à l’échelle du groupe Greater London Authority.”

À mesure que les populations urbaines grandissent, la pression que les villes exercent sur les ressources s’intensifie. Mais cette réalité place aussi les villes aux avant-postes de la recherche de solutions qui génèrent des avantages significatifs.

Par exemple, Rodrigues affirme que les activités de l’économie circulaire de Londres pourraient créer 12 000 nouveaux emplois d’ici 2030 et 7 milliards de livres (9,06 milliards de dollars US ou 8,3 milliards d’euros) en investissements annuels d’ici 2036, ainsi qu’une économie de 5 milliards de livres (6,47 milliards de dollars ou 5,93 milliards d’euros) sur les coûts d’infrastructure du traitement des déchets entre 2016 et 2050. En réduisant les déchets, l’initiative vise également à libérer et reconvertir des terrains précédemment utilisés pour le traitement des déchets.

OPPORTUNITÉS DE TRANSFORMATION

Les initiatives de Londres ne font qu’illustrer un mouvement qui se répand rapidement dans le monde entier. “Les villes font face à des difficultés et des opportunités immenses dans trois domaines clés : les déchets, la mobilité et la construction”, déclare Antonia Gawel, en charge des initiatives relatives à l’économie circulaire et à l’environnement au Forum Economique Mondial (World Economic Forum), l’organisation internationale pour la coopération entre public et privé sur des projets mondiaux, régionaux et industriels, basée en Suisse. “Ces villes peuvent mettre en œuvre différentes actions qui génèrent des avantages économiques directs ou indirects dans chaque secteur.”

Gawel cite notamment l’utilisation de bioraffineries pour convertir les déchets alimentaires en carburant, la possibilité de redonner une fonction aux matériaux de construction, de fournir les produits sous forme de services, ou encore la mise en place de modèles commerciaux redéfinissant la manière avec laquelle les bâtiments doivent être possédés, exploités et occupés.

Les technologies qui intègrent l’Internet des objets (IoT), les fonctions d’analyse du big data et l’intelligence artificielle (AI) contribuent à l’émergence de l’économie circulaire.

À San Francisco, par exemple, des poubelles à capteurs alimentés par énergie solaire communiquent des données via IoT, permettant aux autorités locales de faire un meilleur usage de leurs véhicules, carburant et infrastructure en planifiant les trajets de collecte en fonction des niveaux de déchets.

« La transformation numérique nous fournit les outils dont nous avons besoin pour faciliter la transition de tous vers une économie circulaire. » Antonio Gawel au Forum Économique Mondial

À Helsinki, une application MaaS (mobility as a service) lancée récemment permet aux utilisateurs de planifier et de réserver des voyages en transports publics et privés : bus, taxi, train, vélo ou encore covoiturage. L’objectif est de réduire la possession des voitures et les congestions qu’elle entraîne et de faire un meilleur usage des infrastructures existantes au lieu de construire toujours plus.

Dans le même temps, la société Philips Lighting, basée aux Pays-Bas, loue des éclairages intelligents en tant que service aux organisations du monde entier dans le cadre d’un modèle de “paiement par lux”. Philips est responsable de l’équipement et utilise les données collectées par des lumières via l’Internet des Objets pour optimiser la maintenance, le reconditionnement et la récupération plutôt que d’éliminer.

“La transformation numérique nous fournit les outils dont nous avons besoin pour faciliter la transition de tous vers une économie circulaire”, déclare Gawel.

“Désormais, nous disposons des outils et des approches nous permettant de gérer le flux de population dans les villes, en profitant par exemple de la disponibilité de véhicules qui passent l’essentiel de leur temps garés dans les rues de la ville. Les autorités municipales peuvent suivre numériquement les inventaires et les actifs pour savoir quand entretenir ou remplacer des pièces. Nous avons de moins en moins besoin de construire de nouvelles infrastructures; nous pouvons au contraire utiliser les infrastructures existantes de manière plus efficace.”

LA VOIE D’AVENIR

Malgré les progrès réalisés, l’économie circulaire a encore du chemin à faire avant de devenir une réalité. “L’éducation sur le sujet [des économies circulaires] est très insuffisante et le besoin existe de développer les compétences et les connaissances des enseignants pour qu’ils puissent expliquer aux autres le fonctionnement d’une économie circulaire fonctionne”, explique David Peck, chargé de recherche principal et professeur spécialisé dans les matériaux critiques et la conception circulaire à l’Université de Technologie de Delft (TU Delft) aux Pays-Bas.

“Les entreprises auront également besoin de travailler plus étroitement avec les législateurs, les autorités de réglementation et le gouvernement afin de rechercher des avantages mutuels”, explique Peck. “Elles devront adopter des modèles commerciaux originaux en partenariat avec des organisations avec lesquelles elle n’auraient sans doute jamais imaginé collaborer. Et les législateurs devront jouer un rôle déterminant pour décider des choix que nous avons à faire. Ainsi, les choix en approvisionnement dans le secteur public peuvent donner un vrai coup d’accélérateur.”

“Pour que l’économie circulaire fonctionne”, ajoute Peck, “les enseignants doivent focaliser leurs efforts autant sur les employés des entreprises que sur les particuliers.” TU Delft s’efforce de piloter des collaborations avec des partenaires du secteur privé et du secteur public, notamment la fondation Ellen MacArthur – pionnière dans la promotion des avantages économiques de l’économie circulaire – pour développer des programmes d’enseignement et de recherche.

TU Delft travaille également avec des partenaires industriels via le Amsterdam Institute for Advanced Metropolitan Solutions, qui aide les organisations scientifiques, éducatives, gouvernementales, commerciales et sociétales à créer des solutions pour les défis complexes de consommation et d’élimination que doivent gérer les villes. Créer des partenariats avec des entreprises pour se consacrer à la ville circulaire est également un sujet d’étude clé de TU Delft avec le consortium European Institute of Innovation and Technology – Raw Materials et le centre de soutenabilité Leiden-Delft-Erasmus.

“Nous observons les premiers signes de l’émergence de l’économie circulaire dans les villes, des villes circulaires étant listées dans le réseau de la fondation Ellen MacArthur et dans l’Union européenne dans différents projets financés par l’UE”, déclare Peck. “L’économie circulaire peut exister à l’échelle de la ville. La ville constitue donc un excellent point de départ.”

Jacqui Griffiths

Jacqui Griffiths is a UK-based freelance writer working for businesses, charities, press and magazines, including Dassault Systèmes’ Compass magazine.

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